Publié le 20/07/2015 dans Sciences et avenir par Bernadette Arnaud
Le dentiste travaillait au silex… C’était au temps du paléolithique supérieur, il y a 14.000 ans ! Il avait 25 ans et a dû souffrir le martyre en offrant sa mâchoire aux mains expertes d’un « dentiste »… préhistorique ! L’analyse d’une molaire d’un squelette âgé de 14.000 ans, et conservé à l’université de Ferrare (Italie), prouve en effet que celle-ci a été forée de façon méthodique à l’aide d’un outil en silex. Ce qui constitue la plus ancienne intervention chirurgicale dentaire jamais décrite à ce jour !
Cette étonnante séance chez le dentiste a eu lieu au paléolithique supérieur, dans le nord de l’Italie, selon Stefano Benazzi, paléoanthropologue à l’université de Bologne (Italie). C’est en utilisant un microscope électronique à balayage que les chercheurs ont fait cette découverte stupéfiante sur cette mâchoire mise au jour en 1988 dans un des abris sous-roche de Ripari Villabruna, dans le Val du Cismòn, au cœur des Dolomites (Vénétie). « La cavité présente sur la molaire avait jusqu’alors été décrite comme une lésion carieuse, mais il s’agissait en fait de tout autre chose ! », explique Stefano Benazzi. Des stries particulières ont en effet été relevées sur la surface interne de la perforation de cette molaire inférieure. Et prouvent l’usage d’un microlithe -un petit outil de pierre taillée- pour le creusement de la dent afin que le « praticien » puisse accéder aux tissus infectés.
Une fissure dentaire colmatée à la cire d’abeille
Si ce cas de chirurgie dentaire est le plus ancien jamais décrit, il n’est cependant pas le premier découvert chez nos aïeux de la préhistoire. En 2006, d’autres chercheurs italiens avaient pu observer, sur une dent provenant d’une mâchoire néolithique vieille de 6500 ans trouvée en Slovénie au 19e siècle, la présence d’une fissure colmatée à la cire d’abeille. Une substance connue pour ses propriétés antibactériennes. Sans oublier les manipulations dentaires mises en évidence sur des molaires vieilles de 9000 ans et retrouvées au Pakistan en 2006. Les habitants de Mehrgarh semblent en effet avoir fait appel à d’habiles tailleurs de perles pour soulager leurs maux. Ces artisans, connus pour la finesse de leurs travaux de polissage, avaient en effet appliqué leur immense savoir-faire à la dentisterie comme le montre l’étude de 4000 dents provenant de 225 sépultures de la nécropole de cette cité du Balouchistan. Les chercheurs y ont mis en évidence des traces de perforations d’à peine 1,3 à 3,2 mm réalisées in vivo sur des dents postérieures. Un petit perçoir en bois muni d’une pointe de silex actionné par un archet faisait office de roulette. Des restes de bitume retrouvés dans certaines cavités, traduisaient peut-être aussi l’usage d’antalgiques. Souhaitons que les tous premiers hommes du paléolithique supérieur aient pu, eux aussi, bénéficier de quelques remèdes contre la douleur… Quant au patient de Ripari Villabruna, il semble avoir survécu à cette roulette préhistorique !